L’e´toile de poche

Extrait: L’ÉTOILE DE POCHE..... ASSIS dans son grand fauteuil d’osier, sous les troènes, dont l’air ensoleillé faisait voler les fleurs couleur d’ivoire et de nacre, M. Théodore Decalandre rendit son salut au bouvier qui passait sur le chemin. C’était une belle après-midi de septembre et nous parlions des poètes et de la poésie. – Je voudrais, dit soudain Mme Baramel, que l’on traitât de ces problèmes et de ces mystères un peu sérieusement. Vous ne cessez de mêler à votre discours des phrases qui ressemblent fort à des railleries. M. Decalandre frotta doucement sa longue barbe blanche. – Il ne me déplairait pourtant pas, répondit-il, que l’on pût disserter des objets les plus graves avec quelque enjouement. Nous en avons obtenu la permission de notre maître qui s’appelait Horace, non pas le vieil Horace ni le jeune Horace, mais, si vous le voulez bien, le bon Horace, qui est vieux comme la sagesse, mais qui est jeune comme la poésie, et après qui nous pouvons dire : Qu’est-ce qui peut bien nous empêcher de dire la vérité en riant ? Mais on ne rit plus. Du moins, on dit qu’on ne rit plus ; et dès qu’on dit qu’on ne rit plus, on est bien près de ne plus rire. Il serait donc sage, sans doute, si nous tenons à rire, de déclarer que nous rions ; et, peut-être, de la sorte, ririons-nous en effet. C’est une méthode où l’on se plaît en nos saisons et qui est, pour la peindre rapidement, lorsque l’on veut bénéficier du bonheur, de se persuader d’abord que l’on est heureux ; et cette manière de faire reflète assez bien, d’ailleurs, certaine pensée de Pascal. Et si nous avons Pascal avec nous, nous voilà fort près, je pense, d’avoir raison.