La Maltaise

Il fait bon, pense le vieux Fourret, d’évoquer ses souvenirs le soir dans son jardin, à Aïn Garba, en Algérie. Et quel meilleur auditeur trouver, qu’un jeune parent comme Roland ? Celui-ci vit d’ordinaire à Paris, en compagnie d’Antonia – sa mère qui est veuve – de la sœur de celle-ci, Julia – qui a épousé Juan Alvarès, député d’Aïn Garba, et propriétaire du grand “Domaine des palmiers”. Au cours d’un long monologue – plein de réticences – Fourret raconte des drames vieux de vingt ans, auxquels sont mêlés, plus ou moins, les habitants d’Aïn Garba. Ce qui transparaît surtout, c’est la passion qui a lié — un moment — Antonia à son actuel beau-frère, Juan Alvarès, amour orageux qui aboutit à une rupture. Roland écoute, impassible. Que veut-il savoir exactement ? Sa sœur, Bonbon, lui envoie une lettre. Évoquant elle aussi son enfance, elle lui apprend que Juan fut l’amant d’Antonia, bien avant qu’il épouse Julia. Cette lettre, et l’attitude de Roland, permettent au vieux Fourret de comprendre ce que le jeune homme est venu faire chez lui, à Aïn Garba. Le passé ne le touche pas. Roland a simplement acquis la certitude que Juan Alvarès cherche à séduire Bonbon, comme il a autrefois séduit Antonia. Et Roland est décidé, dût-il abattre Juan, à s’opposer à ses entreprises. Fourret cependant dispose peut-être encore, dans ses souvenirs, de motifs suffisants pour le détourner de son projet. Avec habileté, l’auteur a su entrecroiser les destins de ses personnages, mêler leur existence à celle d’un village oranais haut en couleur, laisser planer — sur une tragédie familiale — le poids terrible du passé. Le second roman de Renée Burkhardt confirme tout à fait les dons qu’elle avait manifestés dans le premier, Picrate, et qui étaient déjà mieux que des promesses.