L'oiseau silencieux

« Conneries. L’homme avait commencé à hurler, très fort, un cri rauque et aigu, presque féminin, une note unique, cassée, dépassée. Une lamentation avec en arrière-plan, comme une prière chuchotée. Brèves trouées de silence, un grillon têtu, l’envol brusque d’une compagnie de perdrix, claquant dans la vallée, un peu plus bas. Le soleil tombait de haut sur la petite masure de lauzes mouchetées. La chaleur brûlait l’air que je respirais, jusqu’au cœur. J’étais resté assis, un long moment, à l’écouter brailler sa douleur. Je l’avais vu par la lucarne : pendu par les pieds, nu. Un fil de cuivre rampait sur ses testicules, les enserrant comme un bouquet de fruits étranges. » Un dimanche de mars 1962, la folie meurtrière des hommes fera perdre mémoire et raison à un garçon de vingt ans. Des années durant, à l’abri de hauts murs, égaré en lui-même, il voyagera entre lumières et ombres. On tentera de lui faire retrouver le monde des hommes, celui de l’apparente normalité. Mais la raison perdue est-elle autre chose qu’un mur qui s’écroule, dévoilant enfin le paysage ? Quel est celui, s’il est sincère, qui pourrait alors avoir envie de le relever ?