La partie de plaisir

Vingt ans, dure et fragile, secrétaire chez Carbonnel, étrangère à Paris, ce Paris dont la moitié est paumée et l’autre moitié sourde, telle est Émilie. C’est une fille avide d’aimer — au point d’en oublier de se faire aimer — et la voilà tout à coup seule pour vivre l’aventure d’un avortement clandestin, étrange "partie de plaisir". Seule dans le Paris du mois d’août parce que Martin, son amour d’enfance, s’est momentanément volatilisé. Seule face à la vraie vie dans ses aspérités les plus tranchantes, confrontée aux images dont son enfance est tissée, images qui remontent à la surface comme des bulles au moment d’une noyade, éclairant ses rêves, ses ambitions, ses actes et les inconnues de son destin. Michèle Perrein — l’auteur du « Petit Jules » aussi bien que de « La Chineuse » — nous raconte là une histoire en suspens au bord du tragique mais vécue sans gémissements, avec beaucoup de dépouillement dans les mots, de tendresse pour toute une catégorie d’êtres dont Émilie veut inconsciemment faire partie : les perdants, d’adhésion pour un autre visage de femme, celui de Clara, l’inconnue qui durant toute cette aventure lui tiendra la tête hors de l’eau avant de disparaître. « La partie de plaisir », c’est le roman d’une jeune provinciale, modèle 71, montée à Paris pour faire du théâtre et qui, à la lumière du risque de mort que fait prendre notre société aux filles sans argent, grâce aussi à deux rencontres, deux solidarités spontanées, aura accompli sa propre révolution. Au terme de ce livre, c’est une autre Émilie qui est née, prête à se battre pour sa liberté — puisque, par chance pure, le loup, au petit matin, ne l’a pas mangée.