Le piège

À l'automne 1940 Joseph Bridet se rend à Vichy solliciter auprès d'une ancienne connaissance, fonctionnaire de police, un laisser-passer pour l'Afrique du Nord, une étape nécessaire pour atteindre son but: rejoindre de Gaulle à Londres. Pensant qu'être pétainiste à Vichy est un atout il se déclare tel mais surjoue son rôle. La suspicion à son égard débute. La méfiance règne, les anciennes amitiés deviennent incertaines. Ses interlocuteurs apparaissent comme des  personnages parfois débonnaires mais plus souvent inquiétants qui soufflent le chaud et le froid sur un Bridet constamment balloté entre peur et espoir et dont la confiance s'érode au fur et à mesure du récit. Tel un poisson arrivant à l'extrémité d'une nasse Bridet se retrouve piégé sans espoir de retour. Un des derniers ouvrages d'Emmanuel Bove, publié quelques mois avant sa mort en 1945. Un grand roman  qui n'eut pas à sa sortie, à la Libération, le succès qu'il aurait mérité. L'époque était à la célébration de la victoire et des héroïques faits d'armes de la Résistance. On voulait tourner la page sur une période trouble à l'atmosphère délétère, terreau de compromissions et de lâchetés. Extrait: Mais il avait beau essayer de se rassurer, Bridet n’avait pas la conscience tranquille. Il sentait bien qu’il y avait dans sa conduite quelque chose d’équivoque. Il réfléchit pendant tout le repas, puis, à la terrasse d’un café, vers trois heures, fatigué de penser à cette histoire, il fut pris tout à coup d’un immense dégoût pour Vichy. Il n’avait qu’à partir immédiatement. Jamais il ne remettrait les pieds dans cette ville abominable. Il n’y avait rien à espérer de gens pareils. On le lanternait. On cherchait à le mettre dans une position grotesque. Il se pouvait même que tout cela fût combiné. Rouannet, Reynier, Basson étaient de mèche. Ils allaient lui jouer la grande scène de la comédie.